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Page:Léon Daudet – Le stupide XIXe siècle.djvu/202

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LE STUPIDE XIXe SIÉCLE.

leur zy fait point payer quelques milliards céans. L’occasion ne repasse point deux fois. » Ce qui prouve que Clemenceau et Foch auraient eu profit à le consulter. Quand son voisin Boneu (Alfred), vigneron comme lui, épelait, dans une feuille quelconque, le prétendu progrès du socialisme, ou de n’importe quoi en isme, Émile ajoutait, après chaque phrase : « dans la lune ». Ça faisait un effet magnifique. Avec ces trois petits mots, le philosophe de la Cossandrie eût anéanti tous les discours de Jaurès et de ses émules. J’ai utilisé avec profit la formule émilienne à la Chambre.

Émile ayant demandé à se rendre compte de la valeur de Victor Hugo (qui lui était suspect, à cause des éloges hagards, périodiques et dithyrambiques du Petit Parisien) je lui prêtai les Misérables. Il les lut assez rapidement, ayant bien appris à lire et à compter, me les rendit, et demeura une semaine sans émettre aucune appréciation. Comme, intrigué, je l’interrogeais sur le plaisir qu’il avait pris à cet ouvrage illustre, il me répondit : « Si j’avais su que c’était si long, j’aurais commencé par la fin. » Puis, au bout d’une autre semaine : « Quand on fait l’éloge du mauvais monde, faut ben qu’on soit puni tout de même. » Il voulait dire que Hugo avait justement payé de l’exil l’apologie de Jean Valjean et de Fantine. Du reste, toute personne ayant son portrait dans le Petit Parisien lui était logiquement suspecte, vu l’iconographie de cambrioleurs, d’assassins ou de simples ivrognes, à laquelle s’adonne l’organe des Dupuy. Les considé-