Aller au contenu

Page:Léon Daudet – Le stupide XIXe siècle.djvu/211

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
205
AFFAISSEMENT DE LA FAMILLE ET DES MŒURS.

de goût ne se trouve ni au XVIe, ni au XVIIe, ni au XVIIIe siècle. Il est particulier au XIXe et démontre, dans le domaine des arts plastiques, comme dans celui des idées, une forte propension à la laideur conventionnelle, considérée comme un joli et un mesuré.

Pour ne pas aimer certaines toiles de Manet, de Monet, de Renoir, par exemple, il faut ne pas admirer la lumière, manifeste surtout en peinture, mais qui joue, dans tous les arts et en littérature, un rôle prépondérant. Sans établir un rapport de parenté, qui serait forcément arbitraire, entre la lumière et l’intelligence, on peut dire que toutes deux vont de pair. La lumière, c’est l’intelligence du peintre. L’intelligence, c’est la lumière de l’écrivain. Renoir (ignoré pendant quarante ans de sa laborieuse existence) a inventé un blond, parent des bleus de Watteau et qui constitue, à mon avis, une conquête de l’homme sur la nature. C’est un blond animé, d’une suavité comparable à un vers de Virgile et de Racine, un blond auprès duquel tout paraît maussade et sombre, un blond tel que vu par un œil d’enfant partant pour une journée de plaisir, ou par une amoureuse courant à son rendez-vous. De même, Manet et Monet ont peint des ombres colorées, comme elles le sont en effet par les journées de soleil, où tout se combine de violet et d’or. Au temps de la Renaissance, où la lumière était en honneur, au XVIIIe aussi, où l’œil des amateurs français fut si prodigieusement exercé, cela eût paru tout naturel. De 1830 à 1880, il fut entendu, convenu, réglé que