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Page:Léon Daudet – Le stupide XIXe siècle.djvu/233

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DOGMES ET MAROTTES SCIENTIFIQUES.

rience, comme un cobaye. Une telle confusion a même donné lieu à des scandales retentissants. Le laboratoire à outrance est loin d’améliorer l’homme. Il le désociabilise et, dans un certain sens, le déshumanise. La poursuite passionnée d’un problème local, ou particulier, l’arrache à toute autre considération. Il devient littéralement un obsédé. Sans doute une découverte qui sera bienfaisante (au moins pendant un certain temps) peut sortir d’une telle obsession. Mais une erreur infiniment nocive peut en sortir aussi. Le laboratoire est indifférent au bien et au mal, et le savant est toujours, plus ou moins, dans l’alternative du docteur Faust. Psychologiquement, le laboratoire est un stimulant de l’orgueil et favorise cette illusion que le chercheur, asservi en fait à la nature, commande à celle-ci et la domine. Même pour un faux modeste tel que Claude Bernard, il est très facile de conclure que comprendre c’est surpasser. Lorsque Charcot, ayant étudié la fausse circonvolution du langage humain, imagina son fameux schéma de la « Cloche » il crut qu’il était le maître de la parole. Son schéma nous apparaît aujourd’hui comme un présomptueux enfantillage, et la parole comme quelque chose d’infiniment plus complexe, grandiose et subtil, que ne l’imaginait le maître hautain de la Salpêtrière. La parole, c’est l’humain, et l’organisme entier de l’homme y collabore, mais sous l’action directe sous le déclenchement préalable de la pensée, dont l’origine nous apparaît toujours, et de plus en plus, comme extra et supra