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Page:Léon Daudet – Le stupide XIXe siècle.djvu/249

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DOGMES ET MAROTTES SCIENTIFIQUES.

l’organisme, social ou individuel, qui s’émancipe. Pour d’autres, le progrès c’est la complexité, par laquelle les corps deviennent plus fragiles et plus vulnérables, donc moins durables. La prolongation de la vie humaine pourrait être le critérium d’un progrès ; mais il est reconnu que l’industrialisme raccourcit le temps de la vie humaine. En examinant les choses d’un peu près, on s’aperçoit que l’idée de progrès n’est qu’un déplacement extensif de l’amour-propre et de l’infatuation, une forme de chronocentrisme. Celui qui croit à cette creuse idole, admet bien que l’avenir sera encore plus beau que le présent, mais c’est surtout la supériorité illusoire du présent sur le passé, dans tous les domaines, qui fait le fond du culte et la délectation du catéchumène. Comparons, par exemple, l’état agricole à l’état industriel, celui-ci étant censé représenter un progrès sur celui-là. L’agriculture postule la paix. L’état industriel va à la guerre, par une sorte de sombre nécessité, car il abonde en machines destructrices, en moyens de transport et en transformations de forces rapides ; machines, moyens et forces que l’homme emploie aussitôt à ce qui lui est le plus cher, et qui est la domination. L’agriculture, adaptée aux sciences, fait la noblesse du paysage. L’industrie souille et détruit le paysage, par ses établissements d’une laideur épouvantable, quoiqu’on ait comiquement soutenu le contraire, au temps du naturalisme. De 1880 à 1900, l’esthétique du tuyau de cheminée d’usine, du marteau-pilon et de la tour Eiffel a été défendue par une légion de