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Page:Léon Daudet – Le stupide XIXe siècle.djvu/251

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DOGMES ET MAROTTES SCIENTIFIQUES.

vieilles civilisations sont superposées et fondues, à la façon des strates de laque polie. Pendant que certaines choses s’améliorent, d’autres empirent. Les facilités extrêmes de la vie matérielle rendent l’homme inerte ou paresseux et amoindrissent en lui le sens de l’effort, condition essentielle de ce contentement un peu stable, que le vulgaire appelle le bonheur. Prenons un métier déterminé, l’hôtellerie, par exemple. Il est convenu (et tous les clubs touristiques du monde l’affirment) que les « hôtels modernes », les palaces, avec leurs salons luisants (et hideux) et leurs waterclosets et cabinets de toilette perfectionnés, sont très supérieurs aux auberges d’autrefois, du bon vieux temps. Tel n’est point mon avis, et l’on en reviendra. L’avantage assez bref de cabinets avec chasse d’eau et siège hyperciré, de cuvettes de porcelaine à bascule et de la circulation d’eau chaude (d’ailleurs souvent bouchée) est amplement compensé par l’infamie de la cuisine dite « européenne » et de ses sauces toutes préparées, de ses vins fabriqués et nocifs. La cuisine électrique est une atrocité, par rapport à la cuisine au gaz, elle-même fort inférieure à la cuisine à la broche, sur le feu de sarments.

En somme (et sans y insister davantage, le thème étant rebattu) il y a, ici et là, des progrès, ici et là des régressions, ici et là des statu quo, mais il n’y a pas le Progrès, avec un grand P, pas plus qu’il n’y a l’Évolution (avec un grand E). Le XIXe siècle a eu la manie des majuscules, sous lesquelles se cache, en général, le minimum de réalité et de substance.