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Page:Léon Daudet – Le stupide XIXe siècle.djvu/271

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DOGMES ET MAROTTES SCIENTIFIQUES.

à leur façon et constataient et commentaient souvent de travers. Leur infatuation (à l’exception de quelques-uns) était égale à celle de leurs patrons. Bref, si l’illusion de la circonvolution de Broca et Charcot eut cette vogue immédiate, et bientôt européenne, cela tient à ce que sa révélation flattait la manie anticléricale de l’époque et soulevait des passions venues de loin, de l’Encyclopédie (Helvétius, Condillac, La Mettrie et Cie ) et, à travers eux, de la Réforme. Si je devais énumérer ici les innombrables travaux, thèses, articles, bouquins, dictionnaires, controverses (d’émulation, non de discussion), adhésions enthousiastes, considérations philosophiques, thérapeutiques, histologiques, anatomopathologiques, chirurgicales et autres, auxquels donna lieu cette petite farce de topographie cérébrale, linguistique et matérialiste, il me faudrait, sans exagérer, une dizaine de volumes de douze cents pages. Songez donc : on connaissait désormais le siège, presque la formation héréditaire, monsieur, hé-ré-di-tai-re, du verbe, considéré comme le suprême refuge de l’immatériel, et capté, cette fois, dans des cellules ramifiées et ramifiantes (le neurone, personnage éphémère et illusoire, lui aussi, hélas ! ne devait intervenir que plus tard)… du verbe adhérent à un atome de la matière, naissant, évoluant et mourant avec cet atome. Ça y était : le scalpel avait rencontré l’âme. Il n’y avait plus qu’à tirer les conséquences d’une aussi irréfutable démonstration de la non existence de Dieu.