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Page:Léon Daudet – Le stupide XIXe siècle.djvu/313

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CONCLUSION.

œuvres qui n’étaient ni protestantes, ni juives. On peut suivre, depuis trente-cinq ans, la dégradation progressive des services de l’Assistance publique, des hôpitaux notamment, où l’incurie est trop souvent devenue la règle. Il en est de la charité au XIXe comme de la liberté. Elle s’est tellement manifestée en paroles et en écrits (officiellement, du moins) qu’il ne lui est plus resté de forces pour se manifester en actes. En général, la charité depuis 1789, comme l’architecture, est un art perdu et ce qu’on appela la dureté des temps fut, à notre époque, la dureté des hommes.

Il appartenait aussi à ce siècle des maximes funambulesques de proclamer l’antinomie de la pensée et de l’action, et de séparer l’esprit qui conçoit de l’esprit qui réalise. Comme si, à l’origine de toute action réelle et durable, il n’y avait pas, non seulement une pensée, mais une doctrine ! L’intangibilité du penseur, ou prétendu tel, a ainsi déchaîné sur la société une nuée d’empoisonneurs et de destructeurs impunissables, qui firent de leur immunité un dogme de plus. Cependant que les pusillanimes, ou simples poltrons, qui discernaient clairement le bien, se retranchaient, pour ne pas entrer dans la mêlée, sur la prétendue antinomie. En même temps et parallèlement, le romantisme judiciaire désarmait le ministère public, c’est-à-dire la société, au bénéfice de l’avocat simple, c’est-à-dire du particulier, et attendrissait, à tous les degrés de la juridiction, sur le criminel ou le délinquant, non sur ses victimes. Un jurisme entortillé, sentencieux et vain,