Aller au contenu

Page:Léon Daudet – Le stupide XIXe siècle.djvu/96

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
90
LE STUPIDE XIXe SIÈCLE.

qui sont la caricature de l’héroïsme, et par un vocabulaire truculent. Chateaubriand lui a donné son rythme, Hugo sa flamme sensuelle, et Michelet sa dislocation. La syntaxe romantique se caractérise par l’abus des épithètes indéterminées, le fléchissement du verbe, et l’exaltation, souvent inopportune, du substantif et de l’adverbe. Qu’on nous comprenne : il ne s’agit pas ici de poser des limites de grammairien ou de pet de loup à la Muse inspiratrice, ou à l’afflux vigoureux des images justes, ou profondes. C’est précisément au nom de la force du style et de sa puissance de percussion que nous réclamons pour la justesse et la pertinence des termes employés. Il est d’ailleurs une expérience que je vous recommande : lisez à la suite, une page de Chateaubriand, choisie parmi les meilleures (Mémoires d’Outre-Tombe), une de Bossuet dans les mêmes conditions (Histoire universelle), puis un poème de Ronsard, parmi les célèbres, et un de Hugo (idem), puis une page d’Amyot et une de Michelet, et vous saisirez la différence, que j’essaye de qualifier ici, entre ce que j’appelle la littérature de sincérité et cette littérature d’attitudes, qui est la littérature romantique, et qui a submergé le XIXe siècle.

Elle l’a submergé en le flattant, en lui répétant sur tous les tons, en prose et en vers, et du haut de toutes les tribunes, que jusqu’à la grande Révolution, c’est-à-dire jusqu’au début de la période sans précédent, ineffable et incomparable, la nation française avait croupi sous la tyrannie et dans l’erreur,