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L’ÉTOURDI.


de ma diſtraction, plutôt que par un mouvement de curioſité, je jetai mes regards dans la voiture. Mais qu’éprouvais-je ? Quelles émotions délicieuſes ſe ſuccéderent dans mon ame, à la vue d’une femme qui occupait le fond du caroſſe ! Un trouble agréable, mais qui m’étoit inconnu, s’empara de tous mes ſens. Que te dirais-je, mon cher Deſpras ? Le charme irréſiſtible de l’expreſſion qui brillait dans ſes yeux, ſe rendit maître de mon cœur, & en arracha, par ſa force ſupérieure, l’image d’Euphroſine.

Qu’on ne nous diſe point qu’un amour auſſi prompt n’entra jamais dans le cœur humain ? Pour quiconque aura vécu dans le monde, cette paſſion n’aura rien de merveilleux. Ces accès de délire ſont arrachés aux cœurs les plus agités par les paſſions, & les moins faits pour aimer. Ce ſont des coups de ſoleil qui percent dans des temps nébuleux.

Je ſuivis la voiture ; & mon premier empreſſement fut de m’informer du nom de la perſonne à qui elle appartenait. J’appris que c’était au Comte de Larba,