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Page:L’Œuvre du patricien de Venise Giorgio Baffo, 1910.djvu/101

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L’ŒUVRE DE GIORGIO BAFFO


CONSEIL AUX FILLETTES DE VENISE

Où diable, fillettes, êtes-vous fourrées,
Qu’on ne vous voit plus aller par les rues ?
Vous êtes-vous par hasard cachées pour son Altesse,
De peur d’en recevoir quelque bonne frottée ?

Si vous n’étiez pas toutes bien informées sur lui,
Je dirais que vous avez eu là une bonne idée ;
Mais sachant que, s’il baise, il paye bien,
Ce n’est ni la crainte ni l’honneur qui vous arrête.

Moi de même, si j’étais une belle et bonne fille,
Et qu’il s’amourachât de moi un tantinet,
Je voudrais, par Dieu ! me faire défoncer la moniche.

Je saurais si bien faire qu’il me traitât
Comme qui dirait une matrone,
Et qu’il m’enfilât continuellement.
Si un beau jour il se lassait de moi,
Accident commun chez gens de cette sorte,
Je voudrais chercher un mari sans défauts,
De ceux qui ne regardent
À porter des cornes, et n’en donnent un fétu,
Comme a fait le mari de la Cavazza,
Laquelle avec sa moniche
Puante et sale, fripée par tout le monde,
Avec le Duc s’en est si bien donné,
Et tant d’autres qui, de leurs rentes
Vivent à présent, connues de tout le monde,
Et n’ont jamais eu peur de se faire enfiler.
Et vous autres, comme des bambines
Vous vivez retirées chez vous ? Sans réflexion
Courez vous faire enfiler tout de suite.