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Page:L’Œuvre du patricien de Venise Giorgio Baffo, 1910.djvu/225

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L’ŒUVRE DE GIORGIO BAFFO

Il n’y a plus de sérénades ni de soupers ;

Que les Nobles sont aujourd’hui autant de marmottes,
Alors qu’autrefois, comme autant de Rolands,
Ils cheminaient sur ces pierres calcinées ;

Qu’on ne fait plus acte de grand homme,
Mais seulement des bagatelles, des niaiseries,
Et qu’on n’étudie que le livre De arte amandi ;

Que sont abandonnés les débits de Malvoisie,
Parce qu’on a défendu les cabinets,
Et ce qui me touche plus encore, les cabarets ;

Que sur les places il n’y a plus de banquets,
Et que tous nos amusements consistent
À rester la nuit entière dans les Casinos ;

Que nos jeunes gens sont éreintés, fourbus,
Parce que la nuit, ils veillent jusqu’à l’Aurore,
Et que le jour ils dorment comme font les loirs ;

Si ces vieux morts pouvaient voir par surcroît
Qu’on ne peut plus aller dans les cafés,
Et qu’on ne peut plus s’asseoir nulle part dehors ;

Que sont prohibés tous les sièges,
Que les Nobles ne peuvent aller sur la Piazza,
Quand y peuvent aller toutes les gourgandines ;

Oh quelle bougresse d’existence ! diraient-ils ;
Béni soit le temps où l’on pouvait aller
Partout avec sa bonne petite putain !

De toute herbe on faisait alors un bouquet ;