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Page:L’Œuvre du patricien de Venise Giorgio Baffo, 1910.djvu/227

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L’ŒUVRE DE GIORGIO BAFFO


Que les marchands vendent tout hors de prix,
Que le luxe s’habille hors de toute mesure,
Cela ne leur cause aucun émoi ;

On bannira une pauvre créature
Qui donne du plaisir à tant de braves gens,
Et on n’exile pas ceux qui font l’usure.

On pense à exiler les putains,
Qui sont un empêchement à de si grands maux,
Et on ne pense pas à l’honneur des autres femmes.

À ce sujet on se met dans de brutales colères
Mais on ne dit rien du tout de ceux
Qui mangent l’argent du Prince ;

On s’évertue à faire fermer tous les bordels,
Qui coûtent peu, et l’on n’empêche point
Les gueuletons de nos nouveaux Héliogabales.

Au mal on cherche à remédier,
En défendant d’aller par les rues aux femmes
Qui, pour manger, veulent faire un peu de contrebande,

S’il en résulte un pire mal, on ne s’en occupe,
Et pourtant c’est un fait, les putains bannies,
Tout le monde ira dans le cul des bardaches.

On ne tolère pas les faiblesses humaines
En matière de plaisir, et on supporte
Que les gens de gabelle soient autant de tyrans.

C’est une grosse affaire que quelqu’un frappe
À la porte d’une putain, et si quelqu’autre
Entre chez une femme mariée, peu importe.