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Page:L’Œuvre du patricien de Venise Giorgio Baffo, 1910.djvu/26

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L’ŒUVRE DE GIORGIO BAFFO

Et si l’on veut bien se dégager des préjugés, on avouera que les poésies de Giorgio Baffo méritent la célébrité universelle dont elles jouissent et cependant aujourd’hui peu de personnes les connaissent. Les exemplaires imprimés que l’on en possède sont rares et atteignent dans les ventes et chez les libraires des prix très élevés.

Le Baffo était content de son époque, il était heureux de vivre, et de vivre à Venise, ville amphibie, cité humide, sexe femelle de l’Europe.

Sans le Baffo, on n’imaginerait pas tout ce que fut la décadence pleine de volupté de la Sérénissime République. Par lui nous connaissons la vie sexuelle de Venise, les fêtes, les Osterie, les Casinos, le Jeu, les Ballerines, les Nonnes libertines. Il n’est pas de petit évènement que le Baffo ne chante avec une obscénité sublime : c’est la venue du duc d’York, c’est l’élection d’un nouveau pape, ce sont les débuts d’une actrice, ce sont les mésaventures des Jésuites.

Les poésies manuscrites du Baffo couraient la ville. Les jeunes femmes les lisaient en goûtant des sorbets. Cette société raffinée qui vivait à l’anglaise était frappée par un lyrisme auquel les poètes de l’époque ne l’avaient point accoutumée.

Lorsque le Baffo mourut, on composa cette épitaphe :


BAFFUM
qui in penetrandis, celebrandisque
humanæ naturæ
exellentiis, atque proprietatibus
studiosus fuit, et pertinax,
adriatica tellus produxit,
affinem, ut par est
stipiti orientalis imperii
in promerendis sibi animis