Page:La Boétie - Discours de la servitude volontaire.djvu/182

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se laissait suborner par cet exécrable gain afin de tenir la main à tant d’indignités, et vilains et énormes abus, et cependant voyait devant lui tout son État se renverser et aller en désordre. Et se mécompte-t-on grandement, si on pense longuement jouir de ce tribut et si on en fait état ; car il est aisé de voir que dans un an pour le plus tard, en la plus grande partie de ce royaume les dîmes ne seront payées. Car déjà ceux de la nouvelle religion commencent à voir qu’ils entretiennent les membres de l’Antéchrist, en payant les dîmes aux prêtres ; et s’ils ont pensé la couleur bonne d’abattre les autels et les images, pour ce, disent-ils, qu’il faut ôter les instruments d’idolâtrie, pourquoi ne ceçoit-on qu’ils auront bien autant de prétexte de mettre en avant qu’ils font conscience de nourrir de leurs biens les loups du troupeau et de leur donner le moyen d’entretenir leur superstition. Même que l’avarice et la friandise se relève ce qu’ils baillent pour la dîme servira toujours de belles raisons, même étant piqués par une haine capitale qu’ils ont contre tout l’ordre des ecclésiastiques. Au reste, quand ceux de l’Église réformée ne refuseraient les dîmes, ceux de la romaine le feront, de tant que leurs curés ni leurs vicaires ne pourront faire à leurs paroisses aucun service accoutumé, comme déjà l’on voit dans presque la moitié de la Guyenne.