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Page:La Brochure mensuelle - Année 1923 - Numéros 1 à 12B.djvu/218

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que ceux--ci ne peuvent faire à cette simple interrogation aucune réponse plausible, sensée. En vérité, il n’y en a pas. Serrons de près la question, creusons le problème. Par la pensée, examinons Dieu avant la création. Prenons-le dans son sens absolu. Il est tout seul ; il se suffit à lui-même. Il est parfaitement sage, parfaitement heureux, parfaitement puissant. Rien ne peut accroître sa sagesse ; rien ne peut augmenter sa félicité ; rien ne peut fortifier sa puissance. Ce Dieu ne peut éprouver aucun désir, puisque son bonheur est infini ; il ne peut poursuivre aucun but, puisque rien ne manque à sa perfection ; il ne peut former aucun dessein, puisque rien ne peut étendre sa puissance ; il ne peut se déterminer à aucun vouloir, puisqu’il ne ressent aucun besoin. Allons ! Philosophes profonds, penseurs subtils, théologiens prestigieux, répondez à cet enfant qui vous interroge et dites-lui pourquoi Dieu l’a créé et mis au monde. Je suis bien tranquille ; vous ne pouvez pas répondre à moins que vous ne disiez : Les desseins de Dieu sont impénétrables, et que vous ne teniez cette réponse pour suffisante. Et sagement vous ferez en vous abstenant de répondre, car toute réponse, je vous en préviens charitablement, serait la ruine de votre système, l’écroulement de votre Dieu. La conclusion s’impose, logique, impitoyable : Dieu, s’il a créé, a créé sans motif, sans savoir pourquoi, sans but. Savez-vous, camarades, où nous conduisent forcément les conséquences d’une telle conclusion ? Vous allez le voir. Ce qui différencie les actes d’un homme doué de raison des actes d’un homme frappé de démence, ce qui fait que l’un est responsable et l’autre pas, c’est qu’un homme de raison sait toujours, en tous cas peut toujours savoir, quand il a agi, quels sont les mobiles qui l’ont impulsé, quels sont les motifs qui l’ont déterminé à agir. Quand il s’agit d’une action importante et dont les conséquences peuvent engager lourdement sa responsabilité, il suffit que l’homme en possession de sa raison, se replie sur lui-même, se livre à un examen de conscience sérieux, persistant et impartial, il suffit que, par le souvenir, il reconstitue le cadre dans lequel les événements l’ont enfermé, qu’en un mot, il revive l’heure écoulée, pour qu’il parvienne à discerner le mécanisme des mouvements qui l’ont fait agir.