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Page:La Chanson de la croisade contre les Albigeois, 1875, tome 2.djvu/16

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iv
introduction, § ii.

Les lettres d’Innocent III sont surtout précieuses pour les informations qu’elles nous donnent sur les antécédents de la croisade et sur ses débuts. Une fois la croisade victorieuse, après le sac de Béziers et la prise de Carcassonne (1210), le pape n’exerce plus qu’un contrôle incertain : toute la direction politique est aux mains des légats, de la correspondance desquels nous n’avons que quelques bribes, et qui d’ailleurs, se trouvant sur les lieux mêmes où leur action s’exerçait, ont dû prendre beaucoup de décisions sans qu’aucune trace écrite en ait été conservée.

Les lettres d’Innocent III ont, au moins en ce qui touche la croisade, un caractère peu personnel. Les décisions qu’il prend, les instructions qu’il donne, sont visiblement la conséquence des informations qu’il vient de recevoir, des suggestions qu’on vient de lui adresser. Ce sont des décrets ou des circulaires rédigés sur rapport. Telle est la condition de tout gouvernement opérant à distance. Il était bien difficile que l’administration pontificale y échappât. Le pape, fût-il Innocent III, ne pouvait s’enquérir par lui-même des affaires innombrables sur lesquelles il avait à statuer. Il était à la merci de fonctionnaires souvent passionnés, parfois peu intègres, toujours très-puissants.

Prenons comme exemple les rapports d’Innocent III avec le comte de Toulouse Raimon VI. À nous en tenir à la correspondance, le pape aurait été l’ennemi acharné du comte de Toulouse. Dès le 29 mai 1207, avant le meurtre de Peire de Castelnau, avant la croisade par conséquent, voici sur quel ton il lui écrit :

Si nous pouvions, avec le prophète, creuser le mur de ton cœur, nous y pénétrerions et nous te montrerions les abominations que tu y as faites. Mais, comme tu es endurci plus que la pierre, autant il sera facile à la parole salutaire d’y frapper, autant il lui sera difficile d’y pénétrer, et c’est pourquoi, si nous jugeons op-