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Page:La Chanson de la croisade contre les Albigeois, 1875, tome 2.djvu/330

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croisade contre les albigeois.

tu ne veux me dire rien autre, j’ai besoin que Dieu et toi et Merci me viennent en aide ; je n’ai pas de terre autant que j’en pourrais franchir d’un saut ; et comme tu es mon père, celui qui me dois instruire, je te prie de me montrer la voie du salut. — [3690] Fils, » dit le pape, « ton intention est bonne. Si tu suis les règles que je vais te prescrire, tu ne risques point de faillir, ni en ce monde, ni en l’autre. Sache aimer Dieu, l’honorer et lui rendre grâces, obéir aux mandements de l’Église et à ses saints, [3695] ouïr messe, matines et vêpres, honorer le corps de Jésus-Christ, faire des offrandes, chasser l’hérésie et vivre en paix. Garde-toi d’assaillir les maisons religieuses, d’infester les chemins, de prendre l’avoir d’autrui pour accroître le tien, [3700] de détruire tes barons, de mal gouverner ton peuple ; laisse-toi vaincre et dominer par Merci. Mais, si on veut te déshériter et t’abaisser, sache te bien défendre et maintenir ton droit. — Sire, » répond l’enfant, « j’ai bien raison de m’affliger. [3705] Je ne puis en même temps poursuivre et fuir. La pauvreté et le besoin sont durs à supporter. N’ayant plus de terre, ne sachant où me tourner, il me faudra prendre à autrui de quoi me maintenir. En cela, je ne crois rien dire d’excessif, [3710] car j’aime mieux donner et prendre, que recevoir et demander. — Ne fais rien, » dit le pape, « qui puisse t’attirer la haine de Dieu : il te donnera assez de terre si tu le veux servir. Je t’ai fait réserver le Venaissin, la terre d’Argence et Beaucaire ; tu pourras t’en arranger, [3715] et le comte de Montfort aura le reste à gouverner jusqu’à ce que l’Église voie si ton sort peut