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Page:La Chanson de la croisade contre les Albigeois, 1875, tome 2.djvu/437

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croisade contre les albigeois.

vois venir en tête ; je reconnais son enseigne et son gonfanonnier. Il y a Rogier Bernart, fils de Raimon Rogier, et Ramonet d’Aspet[1], fils de Fortaner, et les chevaliers bannis, [5920] et les légitimes héritiers ; et il y en a tant d’autres qu’ils sont plus d’un millier. Et puisque Toulouse les aime, les désire et les soutient, ils mettront en révolution tout le pays ; et pour les avoir tenus en misérable état [5925] nous allons recevoir notre récompense et notre salaire ! » La comtesse à ces mots frappe ses mains l’une contre l’autre : « Hélas ! » dit-elle, « tout allait si bien hier ! — Dame, » dit Lucas, « ne perdons pas de temps : envoyons au comte des lettres scellées et un messager [5930] qui sache lui exposer notre embarras mortel : que le comte fasse, s’il peut, un accord avec la Provence et vienne nous secourir lui et ses compagnons, ramassant à tout prix des sergents et des soudoyers ; et, s’il tarde guère, tout est perdu sans espoir, [5935] car ici est venu depuis peu un nouvel héritier qui de toute la terre ne lui laissera pas un quartier. » La comtesse appelle un sergent latinier[2] qui va le pas, l’amble et le trot plus vite qu’un diable : « Ami, dites au comte une parole cuisante : [5940] qu’il a perdu Toulouse, et ses fils et sa femme ; et s’il tarde guère à passer Montpellier, il ne trouvera plus vivants ni moi ni fils. Et si d’un côté il perd Toulouse et de l’autre tâche de

  1. Au v. 8833 Ramonat ou Ramon At.
  2. Proprement un homme qui sait plusieurs « latins », c.-à-d. plusieurs langages. À une époque où, en France, aucun idiome n’était encore devenu d’un usage général, il fallait bien que les messagers fussent en état de se faire entendre en plusieurs pays.