Aller au contenu

Page:La Chanson de la croisade contre les Albigeois, 1875, tome 2.djvu/483

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
[1217]
351
croisade contre les albigeois.

chargés de prêcher par les royaumes, les comtés, les empires ; aux abbayes il a adressé d’autres messagers, pour qu’on nous envoie de l’argent, et alors nous aurons des mainadiers. Et quand janvier sera passé, vous verrez venir de toutes parts tant de croisés et de mainadiers, [6905] par centaines et par milliers, que si Toulouse était aussi haute que le clocher, il n’y resterait clôture, ni mur, ni traverse, qui ne soit enfoncée ou brisée en morceaux. Les hommes et les femmes et les enfants à la mamelle [6910] seront tous passés au fil de l’épée, s’ils ne sont dans les moutiers ; et puis par tout le pays sera faite la paix. » Robert de Piquigni[1], un vaillant soudoyer, homme preux et sage, riche et plaisant, venu de France, a répondu sagement : [6915] « Ah Dieu ! sire évêque, c’est à tort que vous nous reprenez, car depuis que le comte Raimon s’est mis en aventure, il me paraît que l’incendie gagne. Celui qui, tant que son cœur reste bon, conquiert des terres, perd ce qu’il a conquis dès qu’il se montre présomptueux. [6920] Dès que le cœur lui manque, l’héritier [légitime] reprend son bien. Il est dans la nature du Français que tout d’abord il gagne[2] ; il gagne tant qu’il monte plus haut qu’un épervier, et quand il est au sommet de la roue, il est si présomptueux que son orgueil éclate et se brise,

  1. Cf. ci-dessus p. 43 n. 1.
  2. La même idée se retrouve dans une suite de dictons relatifs à diverses nations qui nous sont parvenus par différentes sources, et se rencontrent sous la forme d’hexamètres dès le xiie siècle. On y lit :

    Vincere Francigenis mos est, non sponte nocere.