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Page:La Chanson de la croisade contre les Albigeois, 1875, tome 2.djvu/59

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xlvij
introduction, § viii.

mendiants massacraient les clercs, et femmes et enfants, tellement que je ne crois pas qu’un seul en soit échappé. Dieu reçoive les âmes, s’il lui plaît, en paradis ! car je ne pense pas que jamais, du temps des Sarrazins, si sauvage massacre ait été résolu ni permis[1]. » Et lorsqu’il rapporte le meurtre de Giraude, dame de Lavaur : « Ils la couvrirent de pierres : ce fut deuil et péché, car jamais homme du monde, sachez-le véritablement, ne l’aurait quittée sans qu’elle l’eût fait manger ..... Dame Giraude fut prise, qui crie et pleure et braille : ils la jetèrent en travers dans un puits, bien le sais-je ; ils la chargèrent de pierres : c’était horrible[2] ! » Ce n’est pas lui qui dirait, comme Pierre de Vaux-Cernai à propos des hérétiques pris en grand nombre dans la même ville de Lavaur et brûlés vifs : « Innumerabiles etiam hæreticos peregrini nostri cum ingenti gaudio combusserunt[3]. » C’est qu’il avait vécu parmi les hérétiques ou leurs adhérents, et il avait sans doute reconnu que leurs doctrines, si détestables qu’elles fussent aux yeux de tous les catholiques, se pouvaient concilier avec l’honnêteté de la vie[4]. Il habitait un milieu où la tolérance était née tout naturellement du libre exercice accordé à des opinions différentes.

Au moment où il écrivait, la dépossession des principaux seigneurs du Midi n’était pas encore un fait accompli, sinon

  1. V. 496-500.
  2. V. 1598-1600 et 1625-7.
  3. Fin du ch. LII. Le panégyriste de Simon affectionne cette expression ; il la répète encore à la fin du ch. LIII.
  4. « Nous avons été élevés avec eux ; nous avons des parents parmi eux et nous les voyons vivre honnêtement. » Ainsi répondait un seigneur du Midi à l’évêque Folquet qui lui reprochait de ne point chasser de ses terres les hérétiques ; G. de Puylaurens, fin du chap. VII.