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Page:La Corée Libre, numéro 1, mai 1920.djvu/30

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Les manifestations ont continué sous des formes souvent originales et pittoresques : par exemple, une fois, peu de temps avant mon arrivée à Séoul, les Japonais avaient réuni les enfants des écoles coréennes en une sorte de distribution des prix, en ordonnant aux parents de ne pas venir. Les petits Coréens sont venus bien sagement, puis, tout à coup, au signal de l’un d’eux, ils ont tiré un petit drapeau coréen qu’ils avaient caché dans leur vêtement, et, tous ensemble, ils ont agité le petit drapeau devant les Japonais stupéfaits. (Applaudissements.)

« Une autre fois, on a vu apparaître sur le plus grand arbre du grand parc de la ville un drapeau coréen, drapeau où un insigne chinois, rouge et bleu foncé, se trouve au milieu de l’étoffe blanche encadré par quatre caractères de bon augure. Ces manifestations ont toujours été paisibles et le mot d’ordre donné a été toujours de s’abstenir de violences. Les Japonais les ont réprimées avec une brutalité qui a choqué leurs plus grands amis et qui a indigné ceux qui les ont vus ou ceux qui en ont entendu parler, comme ça été mon cas personnellement. Ils les ont réprimées par le mensonge, par la menace et par la violence.

« Par le mensonge ; ils n’ont pas permis d’exposer la vérité sur la situation. Il n’y a, bien entendu, en Corée, que des journaux japonais, pas de journaux coréens. Mais un journaliste japonais, ayant exposé la vérité, a été immédiatement expulsé. Le rédacteur du principal journal japonais avait écrit que la police n’avait pas commis de violences : alors, des Américains l’ont invité à venir voir à leur hôpital les victimes des violences policières. Il a répondu d’un mot qui a fait fortune à Séoul : « Je connais bien la vérité, mais, dans mon journal, je parle officiellement. » On a beaucoup ri du mot à Séoul. À un moment donné, on a prêté à des ambassadeurs ou consuls de l’endroit, des déclarations contraires aux Coréens dont je suis convaincu, pour l’avoir entendu dire par eux-mêmes, qu’ils ne les avaient pas faites.

« On a combattu la protestation par la menace. Le Gouverneur général a menacé les Coréens qui participeraient aux manifestations de punitions dont la moindre était dix années de prison. On a surtout opéré par la violence. Il y a en Corée des récits saisissants, dramatiques et effroyables, des violences japonaises. On a parlé de gens bâtonnés sur des croix, crucifiés, éventrés, de décapités nombreux, de femmes violées en grand nombre… C’est possible, je n’affirme pas que ce soit certain. Mais je vais vous apporter un certain nombre de témoignages contrôlés, dont je considère qu’on peut affirmer l’authenticité.

« Ce qui est certain, c’est d’abord que des Japonais ont tiré sur des foules inoffensives. Quand des milliers de Coréens se réunissaient paisiblement pour crier Manzeï, on a tiré dans la foule et tué un bon nombre de Coréens pacifiques ; on en a blessé un certain nombre d’autres, et dans les hôpitaux japonais on n’a pas voulu soigner les blessés ; on les a repoussés en disant que les hôpitaux n’étaient faits que pour les malades. J’ai entendu parler de Coréens aux membres gangrenés qui ont dû faire des kilomètres pour aller se faire soigner dans un hôpital américain…

« Un autre fait incontestable, c’est qu’on a torturé des gens arrêtés, pour leur faire avouer leur participation au mouvement. Par exemple, on a arrêté pendant trois semaines, le lettré du Consulat de France, un homme tout à fait cultivé, un Coréen fin et charmant, parlant excellemment le français. Lui-même m’a raconté comment il a été torturé, jeté par terre par les policiers japonais, frappé à coup de talon, sur les talons, sur les cuisses et en même temps à coups de bâton sur la tête, jusqu’à ce qu’il avoue sa culpabilité qu’il n’aurait pas dû avouer puisque cela n’était pas vrai ; il n’avait même pas crié le fameux Manzeï qu’on lui reprochait d’avoir crié !

« Ce qui m’a paru le plus odieux, ce sont les brutalités à l’égard des jeunes filles. J’ai lu sur ce point toute une série de rapports réunis par les docteurs américains qui les avaient soignées. Ces jeunes filles coréennes, c’étaient souvent des étudiantes ou des nurses d’hôpitaux américains.

« Les policiers japonais qui les ont arrêtées, les ont d’abord souffletées, menacées de leur baïonnettes. Puis, on les a fait dévêtir complètement… Au Japon, cela n’a pas grande importance. La japonaise — il n’y a pas lieu de le