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Page:La Fontaine - Œuvres complètes - Tome 2.djvu/160

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CONTES ET NOUVELLES.

Il s’en tira non si gaillardement ;
Cette Sœur fut beaucoup plus mal lotie ;
Le pauvre Gars acheva simplement
Trois fois le jeu, puis aprés il fit chasse.
Les deux Nonains n’oublierent la trace
Du cabinet, non plus que du jardin ;
Il ne faloit leur montrer le chemin.
Mazet, pourtant, se ménagea de sorte
Qu’à Sœur Agnès, quelques jours ensuivant,
Il fit apprendre une semblable note
En un pressoir tout au bout du Couvent.
Sœur Angelique et sœur Claude suivirent,
L’une au Dortoir, l’autre dans un Cellier ;
 Tant qu’à la fin la Cave et le Grenier
Du fait des Sœurs maintes choses apprirent.
Point n’en resta que le sire Mazet
Ne régalast au moins mal qu’il pouvoit :
L’Abbesse aussi voulut entrer en danse.
Elle eut son droit, double et triple pitance,
Dequoy les Sœurs jeûnerent trés-longtemps.
Mazet n’avoit faute de restaurans ;
Mais restaurans ne sont pas grande affaire
A tant d’employ. Tant presserent le here,
Qu’avec l’Abbesse un jour venant au choc,
J’ai toûjours oüy, ce dit-il, qu’un bon Coq
N’en a que sept ; au moins qu’on ne me laisse[1]
Toutes les neuf. Miracle, dit l’Abbesse ;
Venez, mes Sœurs, nos jeusnes ont tant fait
Que Mazet parle. Alentour du muët,
Non plus muët, toutes huit accoururent ;
Tinrent Chapitre, et sur l’heure conclurent,
Qu’à l’avenir Mazet seroit choyé
Pour le plus seur ; car qu’ils fust renvoyé,
Cela rendroit la chose manifeste.

  1. Edition de 1668 :
    N’en a que sept, ou moins ; qu’on ne me laisse…