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Page:La Fontaine - Œuvres complètes - Tome 2.djvu/18

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Contes et Nouvelles.

 
Et s’il s’en rencontre un, je promets, foy de Prince,
De le traiter si bien, qu’il ne s’en plaindra pas.
A ce propos s’avance un certain Gentil-homme
D’auprés de Rome.
Sire, dit-il, si vostre Majesté
Est curieuse de beauté,
Qu’elle fasse venir mon frere ;
Aux plus charmans il n’en doit guere :
Je m’y connois un peu, soit dit sans vanité.
Toutefois, en cela pouvant m’estre flaté,
Que je n’en sois pas crû, mais les cœurs de vos Dames :
Du soin de guerir leurs flâmes
Il vous soulagera, si vous le trouvez bon :
Car de pourvoir vous seul au tourment de chacune,
Outre que tant d’amour vous seroit importune,
Vous n’auriez jamais fait ; il vous faut un second.
Là-dessus Astolphe répond
( C’est ainsi qu’on nommoit ce Roy de Lombardie) :
Vostre discours me donne une terrible envie
De connoistre ce frere : amenez-le-nous donc.
Voyons si nos beautez en seront amoureuses,
Si ses appas le mettront en credit :
Nous en croirons les connoisseuses,
Comme tres-bien vous avez dit.
Le Gentil-homme part, et va querir Joconde,
C’est le nom que ce frere avoit[1].
A la campagne il vivoit,
Loin du commerce et du monde ;
Marié depuis peu : content, je n’en sçais rien.
Sa femme avoit de la jeunesse,
De la beauté, de la delicatesse ;
Il ne tenoit qu’à luy qu’il ne s’en trouvast bien,
Son frere arrive, et luy fait l’ambassade ;
Enfin il le persuade.
Joconde d’une part regardoit l’amitié


  1. Edition originale
    C’est le nom que le frere avoit.