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TROISIESME PARTIE.

Gardez-vous bien de dire une sottise,
Luy dit tout bas son Compagnon d’amours,
Tenez-vous coy. Le bruit en nulle guise
N’est bon icy, d’autant plus qu’en vos lacs
Vous estes pris : ne vous montrez donc pas,
C’est le moyen d’étouffer cette affaire.
Il est écrit qu’à nul il ne faut faire
Ce qu’on ne veut à soy-mesme estre fait.
Nous ne devons quitter ce Cabinet
Que bien à poinct, et tantost, quand cet homme
Estant au lit prendra son premier somme.
Selon mon sens, c’est le meilleur party.
A tard viendroit aussi bien la querelle.
N’estes-vous pas cocu plus d’à demy ?
Madame Alis au fait a consenty :
Cela suffit : le reste est bagatelle.
L’Epoux gousta quelque peu ces raisons.
Sa femme fit quelque peu de façon,
N’ayant le temps d’en faire davantage.
Et puis ? Et puis ; comme personne sage
Elle remit sa coëffure en estat.
On n’eust jamais soupçonné ce ménage
Sans qu’il restoit un certain incarnat
Dessus son teint ; mais c’estoit peu de chose ;
Dame Fleurette en pouvoit estre cause.
L’une pourtant des tireuses de vin
De luy sourire au retour ne fit faute :
Ce fut la Peintre. On se remit en train :
On releva grillades et festin ;
On but encore à la santé de l’Hoste,
Et de l’Hostesse, et de celle des trois
Qui la premiere auroit quelque avanture.
Le vin manqua pour la seconde fois.
L’Hostesse, adroite et fine creature,
Soustient toûjours qu’il revient des esprits
Chez les voisins. Ainsi madame Alis
Servit d’escorte. Entendez que la Dame
Pour l’autre employ inclinoit en son ame ;