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Page:La Fontaine - Œuvres complètes - Tome 2.djvu/199

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TROISIESME PARTIE.

 

En voicy le moyen ; buvez dans cette tasse.
Si vostre femme de sa grace
Ne vous donne aucun suffragant
Vous ne répandrez nullement.
Mais si du Dieu nommé Vulcan
Vous suivez la baniere, estant de nos confreres
En ces redoutables mysteres,
De part et d’autre la boisson
Coulera sur vostre menton.

Autant qu’il s’en rencontre à qui Damon propose
Cette pernicieuse chose,
Autant en font l’essay : presque tous y sont pris.
Tel en rit, tel en pleure ; et selon les esprits
Cocuage en plus d’une sorte
Tient sa morgue parmy ses gens.
Déja l’armée est assez forte
Pour faire corps, et battre aux champs.
La voila tantost qui menace
Gouverneurs de petite place,
Et leur dit qu’ils seront pendus
Si de tenir ils ont l’audace :
Car pour estre royale il ne luy manque plus
Que peu de gens : c’est une affaire
Que deux ou trois mois peuvent faire.
Le nombre croist de jour en jour
Sans que l’on batte le tambour.
Les differens degrez où monte cocuage
Reglent le pas et les employs :
Ceux qu’il n’a visité seulement qu’une fois
Sont fantassins pour tout potage.
On fait les autres Cavaliers.
Quiconque est de ses familiers,
On ne manque pas de l’élire
Ou Capitaine, ou Lieutenant,
Ou l’on luy donne un Regiment,
Selon qu’entre les mains du sire
Ou plus ou moins subitement