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Page:La Fontaine - Œuvres complètes - Tome 2.djvu/202

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CONTES ET NOUVELLES.

Tout son avoir ; comme l’on pourroit dire
Belles Comtez, beaux Marquisats de Dieu,
Qu’il possedoit en plus et plus d’un lieu.
Avant qu’aimer on l’appeloit Messire
A longue queuë ; enfin, grace à l’Amour,
Il ne fut plus que Messire tout court.
Rien ne resta qu’une ferme au pauvre homme,
Et peu d’amis ; mesme amis Dieu sçait comme.
Le plus zelé de tout se contenta,
Comme chacun, de dire c’est dommage.
Chacun le dit, et chacun s’en tint là :
Car de prester, à moins que sur bon gage,
Point de nouvelle : on oublia les dons,
Et le merite, et les belles raisons
De Federic, et sa premiere vie.
Le Protestant de Madame Clitie
N’eut du credit qu’autant qu’il eut du fonds.
Tant qu’il dura, le Bal, la Comedie
Ne manqua point à cet heureux objet :
De maints tournois elle fut le sujet ;
Faisant gagner marchands de toutes guises,
Faiseurs d’habits, et faiseurs de devises,
Musiciens, gens du sacré valon :
Federic eut à sa table Apollon.
Femme n’estoit ny fille dans Florence
Qui n’employast, pour débaucher le cœur
Du Cavalier, l’une un mot suborneur,
L’autre un coup d’œil, l’autre quelqu’autre avance :
Mais tout cela ne faisoit que blanchir.
Il aimoit mieux Clitie inexorable
Qu’il n’auroit fait Helene favorable.
Conclusion, qu’il ne la put fléchir.
Or, en ce train de dépense effroyable,
Il envoya les Marquisats au diable
Premierement ; puis en vint aux Comtez,
Titres par luy plus qu’aucuns regretez,
Et dont alors on faisoit plus de conte.
De-là les monts chacun veut estre Comte,