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Page:La Fontaine - Œuvres complètes - Tome 2.djvu/289

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QUATRIESME PARTIE.

Il faut encor pratiquer d’autres choses,
D’autres vertus, qui me sont lettres closes,
Et qu’un Hermite habitant de ces bois
Vous apprendra mieux que moy mille fois.
Allez-le voir, ne tardez davantage :
Je ne retiens tels oiseaux dans ma cage.
Disant ces mots, le vieillard la quita,
Ferma sa porte, et se barricada.
Trés sage fut d’agir ainsi, sans doute,
Ne se fiant à vieillesse, ny goute,
Jeûne, ny haire, enfin à rien qui soit.
Non loin de là nôtre sainte appercoit
Celuy de qui ce bon vieillard parloit,
Homme ayant l’ame en Dieu toute occupée,
Et se faisant tout blanc de son épée.
C’étoit Rustic, jeune saint trés fervent :
Ces jeunes là s’y trompent bien souvent.
En peu de mots, l’appetit d’estre sainte
Luy fut d’abord par la belle expliqué ;
Appetit tel qu’Alibech avoit crainte
Que quelque jour son fruit n’en fust marqué.
Rustic sourit d’une telle innocence :
Je n’ay, dit-il, que peu de connoissance
En ce mestier ; mais ce peu là que j’ay
Bien volontiers vous sera partagé ;
Nous vous rendrons la chose familiere.
Maître Rustic eust dû donner congé
Tout dés l’abord à semblable écoliere.
Il ne le fit ; en voici les effets.
Comme il vouloit estre des plus parfaits,
Il dit en soy : Rustic, que sçais-tu faire ?
Veiller, prier, jeûner, porter la haire.
Qu’est-ce cela ? moins que rien, tous le font.
Mais d’estre seul auprés de quelque belle
Sans la toucher, il n’est victoire telle ;
Triomphes grands chez les Anges en sont :
Meritons les ; retenons cette fille :