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QUATRIESME PARTIE.

Et m’en tourmente, et me dise aux abois,
Tout ce chemin que l’on fait en six mois,
Il me convient le faire en un quart d’heure :
Et plus encor ; car ce n’est pas là tout :
Froid est l’Amant qui ne va jusqu’au bout,
Et par sotise en si beau train demeure.
Vous vous taisez ? pas un mot ! Qu’est-ce là ?
Renvoyrez-vous de la sorte un pauvre homme ?
Le Ciel vous fit, il est vray, ce qu’on nomme
Divinité ; mais faut-il pour cela
Ne point répondre alors que l’on vous prie ?
Je vois, je vois ; c’est une tricherie
De vôtre Epoux : il m’a joüé ce trait,
Et ne prétend qu’aucune repartie
Soit du marché ; mais j’y sçais un secret ;
Rien n’y fera, pour te seur, sa défence.
Je sçauray bien me répondre pour vous :
Puis ce coin d’œil, par son langage doux,
Rompt à mon sens quelque peu le silence :
J’y lis cecy : Ne croyez pas, Monsieur,
Que la Nature ait composé mon cœur
De marbre dur. Vos frequentes passades,
Jouxtes, tournois, devises, serenades,
M’ont avant vous declaré vôtre amour.
Bien loin qu’il m’ait en nul poinct offensée,
Je vous diray que dés le premier jour
J’y répondis, et me sentis blessée
Du mesme trait. Mais que nous sert cecy ?
Ce qu’il nous sert ? je m’en vais vous le dire :
Estant d’accord, il faut cette nuit cy
Goûter le fruit de ce commun martyre,
De vôtre Epoux nous vanger et nous rire,
Bref, le payer du soin qu’il prend icy :
De ces fruits là le dernier n’est le pire.
Vôtre jardin viendra comme de cire :
Descendez-y ; ne doutez du succés.
Vôtre mary ne se tiendra jamais
Qu’à sa maison des champs, je vous l’assure,