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Page:La Fontaine - Œuvres complètes - Tome 2.djvu/321

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QUATRIESME PARTIE.

Au joly jeu d’amour ne sçachant A ny B :
Muses, ne bougez donc ; seulement par bonté
Dites au Dieu des vers que dans mon entreprise
Il est bon qu’il me favorise,
Et de mes mots fasse le choix,
Ou je diray quelque sotise
Qui me fera donner du busque sur les doigts.
C’est assez raisonner ; venons à la peinture :
Elle contient une avanture
Arrivée au pays d’Amours.
Jadis la ville de Citere
Avoit en l’un de ses faux-bourgs
Un Monastere ;
Venus en fit un Séminaire.
Il estoit de Nonains, et je puis dire ainsi
Qu’il estoit de galans aussi.
En ce lieu hantoient d’ordinaire
Gens de Cour, Gens de Ville, et Sacrificateurs,
Et Docteurs,
Et Bacheliers sur tout. Un de ce dernier ordre
Passoit dans la maison pour estre des Amis.
Propre, toûjours razé, bien-disant, et beau-fils,
Sur son chapeau luisant, sur son rabat bien mis,
La médisance n’eust sceu mordre.
Ce qu’il avoit de plus charmant,
C’est que deux des Nonains alternativement
En tiroient maint et maint service.
L’une n’avoit quité les atours de Novice
Que depuis quelques mois ; l’autre encor les portoit.
La moins jeune à peine contoit
Un an entier par dessus seize :
Aage propre à soutenir these,
These d’amour : le Bachelier
Leur avoit rendu familier
Chaque poinct de cette science,
Et le tout par experience.
 
Une assignation pleine d’impatience