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Page:La Fontaine - Œuvres complètes - Tome 2.djvu/360

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CONTES ET NOUVELLES.


VIII. — LES QUIPROQUO.[1]


Dame fortune aime souvent à rire,
Et, nous joüant un tour de son métier,
Au lieu des biens où nôtre cœur aspire,
D’un quiproquo se plaist à nous payer.
Ce sont ses jeux. J’en parle à juste cause :
Il m’en souvient ainsi qu’au premier jour.
Cloris et moy nous nous aimions d’amour ;
Au bout d’un an la Belle se dispose
A me donner quelque soulagement,
Foible et leger, à parler franchement :
C’étoit son but ; mais, quoy qu’on se propose,
L’occasion et le discret Amant
Sont à la fin les maistres de la chose.
Je vais un soir chez cet objet charmant :
L’Epoux estoit aux champs heureusement,
Mais il revint la nuit à peine close.
Point de Cloris. Le dédommagement
Fut que le sort en sa place suppose
Une Soubrette à mon commandement :
Elle paya cette fois pour la Dame.
Disons un troc où, reciproquement,
Pour la Soubrette on employa la Femme.
De pareils traits tous les livres sont pleins.
Bien est-il vray qu’il faut d’habiles mains
Pour amener chose ainsi surprenante ;
Il est besoin d’en bien fonder le cas,

  1. Nous suivons le texte des Œuvres postumes ; M. Walckenaer, pensant qu’il a été publié sur une copie qui ne contenoit pas les dernieres corrections de l’auteur, donne celui d’un manuscrit dont l’origine n’est pas indiquée. Nous reproduisons en note les variantes qu’on y trouve.