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Page:La Fontaine - Œuvres complètes - Tome 2.djvu/364

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CONTES ET NOUVELLES.

Chez le mary d’abord ils se vont rendre.
Là dans le lit l’Epouse encore estoit.
L’Epoux trouva prés d’elle la Soubrette,
Sans nuls atours qu’une simple cornette,
Bref, en état de ne lui point manquer[1].
L’heure arriva, les Amis contesterent
Touchant le pas, et long-temps disputerent.
L’Epoux ne fit l’honneur de la maison,
Tel compliment n’estant là de saison.
A trois beaux dez, pour le mieux, ils reglerent
Le precurseur, ainsi que de raison.
Ce fut l’amy. L’un et l’autre s’enferme
Dans cette cave, attendant de pied ferme
Madame Alix, qui ne vient nullement :
Trop bien la Dame, en son lieu, s’en vint faire
Tout doucement le signal necessaire.
On ouvre, on entre, et sans retardement,
Sans lui donner le temps de reconnoistre
Cecy, cela, l’erreur, le changement,
La difference enfin qui pouvoit estre
Entre l’Epoux et son Associé,
Avant qu’il pût aucun change paroistre,
Au Dieu d’Amour il fut sacrifié.
L’heureux Amy n’eut pas toute la joye :
Qu’il auroit euë en connoissant sa proye.
La Dame avoit un peu plus de beauté,
Outre qu’il faut compter la qualité.
A peine fut cette scene achevée,
Que l’autre Acteur, par la prompte arrivée,
Jetta la Dame en quelque étonnement ;
Car, comme Epoux, comme Clidamant même,

  1. Dans le texte des Œuvres postumes il n’y a point de vers pour rimer avec celui-ci, mais cette irrégularité n’existe pas dans le manuscrit suivi par M. Walckenaër ; on y trouve comme variante :
    Même un clin d’œil qu’il pût bien remarquer
    L’en assura ; les amis disputerent
    Touchant le pas et long-temps contesterent.