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Page:La Fontaine - Œuvres complètes - Tome 2.djvu/386

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A D O N I S .

Tascher de le surprendre est-tenter l’impossible ;
Il habite en un fort épais, inaccessible.
Tel on void qu’un brigand fameux et redouté
Se cache aprés ses vols en un antre écarté,
Fait des champs d’alentour de vastes cimetieres,
Ravage impunément des Provinces entiéres,
Laisse gronder les loix, se rit de leur courroux,
Et ne craint point la mort, qu’il porte au sein de tous ;
L’épaisseur des forests le dérobe aux supplices ;
C’est ainsi que le Monstre a ces bois pour complices.
Mais le moment fatal est enfin arrivé
Où, malgré sa fureur, en son sang abreuvé,
Des degasts qu’il a faits il va payer l’usure.
Helas ! qu’il vendra cher sa mortelle blessure[1] !
Un matin que l’Aurore au teint frais et riant
A peine avoit ouvert les portes d’Orient,
La jeunesse voisine autour du bois s’assemble :
Jamais tant de Heros ne s’estoient veus ensemble.
Antenor le premier sort des bras du sommeil,
Et vient au rendez-vous attendre le Soleil ;
La Déesse des bois n’est point si matinale :
Cent fois il a surpris l’amante de Cephale ;
Et sa plaintive épouse a maudit mille fois
Les veneurs et les chiens, le gibier et les bois.
Il est bien tost suivi du Satrape[2] Alcamene,
Dont le long attirail couvre toute la plaine.
C’est en vain que ses gens se sont chargez de rets ;
Leur nombre est assez grand pour ceindre les forests.
On y void arriver Bronte au cœur indomptable,
Et le Vieillard Capis, chasseur infatigable,
Qui, depuis son jeune âge ayant aymé[3], les bois,
Rend et chiens et veneurs attentifs à sa voix.
Si le jeune Adonis l’eust aussi voulu croire,

  1. Manuscrit de 1658 :
    Helas ! que cherement il vendra sa bIessure !
  2. Pompeux, dans le manuscrit de 1658.
  3. Suivy, dans le manuscrit de 16?58.