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Page:La Fontaine - Œuvres complètes - Tome 2.djvu/388

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A D O N I S .

De tant de gens épars le nombreux équipage,
Leurs cris, l’aboy des chiens, les cors meslez de voix,
Annoncent l’épouvante aux hostes de ces bois.
Le Ciel en retentit, les Echos se confondent,
De leurs Palais voutez tous ensemble ils répondent.
Les Cerfs, au moindre bruit à se sauver si prompts,
Les timides troupeaux des Daims aux larges fronts,
Sont contraints de quitter leurs demeures secretes :
Le bois n’a plus pour eux d’assez sombres retraites.
On court dans les sentiers, on traverse les forts ;
Chacun, pour les percer, redouble ses efforts.
Au fond du bois croupit une eau dormante et sale :
Là le monstre se plaist aux vapeurs qu’elle exhale[1] ;
Il s’y veautre sans cesse, et cherit un sejour
Jusqu’alors ignoré des mortels et du jour.
On ne l’en peut chasser ; du souci de sa vie
Bien plus à sa valeur qu’à sa fuite il se fie.
Les cors ont beau sonner, l’air a beau retentir,
Rien ne sçauroit encor l’obliger à partir.
Cependant les destins hastent sa derniere heure.
Driope la premiere évente sa demeure[2] :
Les autres chiens, par elle aussi-tost avertis,
Répondent à sa voix, frapent l’air de leurs cris,
Entraisnent les chasseurs, abandonnent leur queste ;
Toute la meute accourt, et vient lancer la beste,
S’anime en la voyant, redouble son ardeur :
Mais le fier[3] animal n’a point encor de peur.
Le coursier d’Adonis, né sur les bords du Xante,
Ne peut plus retenir son ardeur violente :

  1. Manuscrit de 1658 :
    Là le monstre se paist des vapeurs qu’elle exhale.
  2. Manuscrit de 1658 :
    Driope au sage nez evente sa demeure.
    Il y a Driape dans l’édition de 1825, mais c’est une faute d’impression.
  3. Fin, dans l’édition de ]825, mais fier dans le manuscrit de 1658 et dans les éditions de 1669 et de 1671.