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Page:La Fontaine - Œuvres complètes - Tome 2.djvu/54

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PREFACE

un Poëme Epique des avantures de Renaud d’Ast. Quand celuy qui a rimé ces Nouvelles y auroit apporté tout le soin et l’exactitude qu’on luy demande, outre que ce soin s’y remarqueroit d’autant plus qu’il y est moins necessaire, et que cela contrevient aux preceptes de Quintilien, encore l’Autheur n’auroit-il pas satisfait au principal point, qui est d’attacher le Lecteur, de le réjoüir, d’attirer malgré luy son attention, de luy plaire enfin : car, comme l’on sçait, le secret de plaire ne consiste pas toûjours en l’ajustement, ny mesme en la regularité: il faut du piquant et de l’agreable, si l’on veut toucher. Combien voyons-nous de ces beautez regulieres qui ne touchent point, et dont personne n’est amoureux ? Nous ne voulons pas oster aux modernes la louange qu’ils ont meritée. Le beau tour de Vers, le beau langage, la justesse, les bonnes rimes, sont des perfections en un Poëte ; cependant, que l’on considere quelques-unes de nos Epigrammes où tout cela se rencontre ; peut-estre y trouvera-t-on beaucoup moins de sel, j’oserois dire encore bien moins de graces, qu’en celles de Marot et de Saint Gelais, quoy que les ouvrages de ces derniers soient presque tout pleins de ces mesmes fautes qu’on nous impute. On dira que ce n’estoient pas des fautes en leur siecle, et que c’en sont de trés-grandes au nostre. A cela nous répondons par un mesme raisonnement, et disons, comme nous avons déja dit, que c’en seroient en effet dans un autre genre de Poësie, mais que ce n’en sont point dans celuy-cy. Feu Monsieur de Voiture en est le garend. Il ne faut que lire ceux de ses ouvrages où il fait