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Page:La Fontaine - Œuvres complètes - Tome 2.djvu/83

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DEUXIESME PARTIE.

Tout ce mystere, il feignoit de dormir.
Mais quel sommeil ! Le Roy, pendant qu'il tremble,
En certain coin va prendre des ciseaux
Dont on coupoit le crain à ses chevaux.
Faisons, dit-il, au Galant une marque,
Pour le pouvoir demain connoistre mieux.
Incontinent de la main du Monarque
Il se sent tondre. Un toupet de cheveux
Luy fut coupé, droit vers le front du sire ;
Et cela fait, le Prince se retire.
Il oublia de serrer le toupet,
Dont le galant s’avisa d’un secret
Qui d’Agiluf gasta le stratagême.
Le Muletier alla, sur l’heure mesme,
En pareil lieu tondre ses compagnons.
Le jour venu, le Roy vit ces garçons
Sans poil au front. Lors le Prince en son ame :
Qu’est-cecy donc ! qui croiroit que ma femme
Auroit esté si vaillante au déduit ?
Quoy ! Teudelingue a-t-elle cette nuit
Fourny d'ébat à plus de quinze ou seize ?
Autant en vit vers le front de tondus.
Or bien, dit-il, qui l’a fait si se taise :
Au demeurant, qu’il n’y retourne plus.



V. — L’ORAISON DE S. JULIEN.
Nouvelle tirée de Bocace[1]


Beaucoup de gens ont une ferme foy
Pour les brevets, Oraisons et paroles :
Je me ris d’eux ; et je tiens, quant à moy,
Que tous tels sorts sont receptes frivoles ;
Frivoles sont, c’est sans difficulté.

  1. Decameron, giornata II, novella II. Il ne faut pas ou-