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Page:La Fouchardière–Celval — Le Bouif Errant.djvu/130

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Le Bouif errant

Ce Grand Chambellan était un individu de si petite taille qu’il devait monter sur une chaise pour saisir le pommeau de sa canne.

L’ironie du sort, qui se joue de la fortune des Empires, et de la Justice des Attributions, en avait décidé ainsi.

Le Grand Chambellan était Grand, par suite de la situation prépondérante qu’il occupait au Palais, mais Microscopique par sa stature.

Il se perdait, généralement, au milieu de la foule des courtisans, qui lui marchaient sur les pieds avant de l’avoir aperçu.

Ce Tom-Pouce était un Grand Homme, au raccourci.

Il avait beau s’efforcer d’atteindre, par des moyens ingénieux, la même hauteur que sa baguette, sertie d’argent, de Grand Maître des Cérémonies, les talonnettes, les doubles et triples semelles de ses bottes, les plumes d’autruche de son énorme chapeau, ne parvenaient point à le mettre à la hauteur de ses fonctions. Cet infortuné tambour-major de l’Étiquette n’atteignait même pas la taille d’un petit tambour de la garde.

Cette imperfection physique le rendait, d’ailleurs, fort grincheux. Il ressemblait à un roquet, jappait d’une voix aiguë des commandements revêches et rappelait, à tous propos, les lois protocolaires aux grands dignitaires de la Couronne avec un acharnement de moustique.

C’était un moucheron obstiné, obsédant, agaçant, et furieusement enragé, qui harcelait les plus hauts personnages, et se rendait insupportable à tout le monde.