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Page:La Fouchardière–Celval — Le Bouif Errant.djvu/239

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Le Bouif errant

jures et les sarcasmes, soupirait et allait, timidement, toucher les quelques sous que Clairvil lui abandonnait, comme un os, sur les capitaux considérables des affaires où il tripatouillait royalement.

Mais en revanche de ces aumônes, quel mépris pour intellectuel. Mirontin voulait-il risquer une timide observation, Clairvil se bouchait les oreilles, ouvertement, frappait du pied et couvrait la voix du cinéaste en hurlant dans son porte-voix des commandements de Pirate :

— Qu’on ne me dérange pas… je travaille. Qu’on me fiche la paix, je compose. Et avec des gestes fous, il allait et venait devant la Galerie des Ilotes terrorisées, affectant de se tenir le crâne, à deux mains, pour empêcher, sans doute, les idées géniales, qui bouillonnaient à l’intérieur, de faire éclater le cratère.

Ce charlatanisme était d’ailleurs fort rémunéré. Clairvil était un trafiquant, un arriviste, un mercanti, un véritable profiteur. Il représentait la Matière Brute qui a dominé l’Esprit. La brutalité faisait sa force. Il commandait à tout le monde et n’obéissait qu’à Mlle Ethel Kirby, sa concubine.

Ethel Kirby incarnait la Rosserie dominatrice de la Brutalité. Un vieux dicton prétend que les araignées dévorent les punaises. Kirby était une araignée de première grandeur qui maniait Clairvil comme un puceron et le menait avec une maestria de dompteuse.

En présence de Kirby, le metteur en scène perdait toute sa méchanceté et devenait un déférent. Il ressemblait à un taureau mené, par une bergère, avec un anneau dans le nez. Cette vue causait une