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Page:La Fouchardière–Celval — Le Bouif Errant.djvu/31

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Le Bouif errant

tour de Mme Bicard sans parvenir à rompre le lien conjugal. Ugénie était une épouse adhésive, qui avait juré à son mari une fidélité redoutable, quitte à lui faire expier, par tous les moyens, son attachement indestructible.

En revanche, combien de souvenirs moins austères revivaient dans la pensée du Bouif. Son chien Wisky, mort d’un tremblement nerveux contracté dans la fréquentation des bistros ; Mariette, la grosse infirmière qui l’avait guéri par l’alcool ; la fringante colonelle de la Michonnière, qu’il avait décorée en qualité de ministre ; la blonde Suzane Pomponne, la buraliste du Palais-Bourbon, qui avait eu pour lui des complaisances passionnées, et enfin Kiki, sa dernière conquête ; une Kiki qui venait de briser le dernier fil attachant encore Bicard à l’existence, après la perte de sa situation de Limonadier du Palais-Bourbon.

Car le Bouif, comme tous les grands hommes, avait connu l’amertume de déchoir. Un changement dans l’orientation politique, après des élections générales, avait causé un remaniement complet dans le personnel du Parlement.

Charmeuil, le grand Charmeuil, son protecteur et son ami, avait été nommé Gouverneur de l’Indo-Chine et n’avait pu défendre Bicard contre les compétitions des envieux[1]. Une discussion avec un honorable, qui négligeait trop souvent de régler ses ardoises à la buvette, lui avait fait un ennemi. L’honorable était devenu rapporteur de la Commission du budget ; il avait conservé à Bicard une

  1. voir : Le Bistro de la Chambre (Ferenczi, éditeurs).