Page:La Fouchardière–Celval — Le Bouif Errant.djvu/89

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
85
Le Bouif errant

Avait-il affaire à un client ou à un fumiste de mauvais goût ? Il ne savait quelle contenance tenir. À tout hasard, il risqua une phrase rituelle :

— Le champagne est obligatoire…

— Toujours, riposta aimablement le Bouif. Moi je ne bois jamais autre chose quand j’ai soif.

— Je dois prévenir monsieur que c’est deux cents francs la bouteille.

— Ça, c’est abusif ! dit Bicard. C’est un vol conscient et organisé. C’est de l’empilage. Je connais les prix. J’ai été un confrère dans le rayon. Combien que vous devez gagner là-dessus ? Cent cinquante pour cent ? Je parie vingt ?

Il avait élevé la voix. Le gérant eut peur d’un scandale.

— Monsieur, fit-il d’un ton cassant, je n’ai pas le loisir de faire de l’économie politique. Les personnes qui viennent au Bahr-el-Gazal ont généralement de l’argent.

— De l’argent ! clama Bicard, froissé par le doute du gérant. J’en ai plus que toi… larbin !

Son geste eut pour effet de découvrir son pyjama jusqu’à l’épaule et, comme plusieurs boutons avaient cédé, pendant la dance qu’il avait exécutée avec les girls, on aperçut, distinctement, un coin de sa poitrine nue, garnie d’un système pileux abondant.

Cette révélation imprévue amusa beaucoup les musiciens nègres. Dans leur joie, ils laissèrent même échapper quelques couacs. Mais Bicard ne s’en émut point. Il était trop occupé à réparer le désordre de sa tenue avec les pinces de la nappe qu’il employait comme épingles.