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Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 1.djvu/225

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ner cette preuve d’affection étaient conduits au sommet d’un rocher. Là, on prononçait des paroles mystérieuses, accompagnées de diverses cérémonies ; après quoi les victimes, se précipitant elles-mêmes dans une profonde vallée, étaient déchirées en pièces avant d’y arriver : mais, pour récompenser ce sanglant hommage, le seigneur se croyait obligé de répandre toutes sortes de biens et d’honneurs sur les parens des morts : ainsi, même chez les peuplades les plus sauvages, les dévouemens ont flatté l’orgueil, et le sang a plu à la tyrannie.

Les Guanches (c’est le nom que les Espagnols leur ont donné) étaient une nation robuste et de haute taille, mais maigre et basanée : la plupart avaient le nez plat ; ils étaient vifs, agiles, hardis et naturellement guerriers ; ils parlaient peu, mais fort vite ; ils étaient si grands mangeurs, qu’un seul homme mangeait quelquefois dans un seul repas vingt lapins et un chevreau. Suivant la relation du docteur Sprat, il reste encore dans l’île de Ténériffe quelques descendans de cette ancienne race qui ne vivent que d’orge pilé, dont ils composent une pâte avec du lait et du miel ; on leur en trouve toujours des provisions suspendues dans des peaux de boucs, au-dessus de leurs fours. Ils ne boivent pas de vin, et la chair des animaux n’est pas une nourriture qui les tente. Ils sont si agiles et si légers, qu’ils descendent du haut des montagnes en sautant de rocher en rocher. Ils se servent