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Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 1.djvu/312

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au mont Oreb, et que, n’ayant ni vivre ni liqueur dans sa felouque, il devait faire un bon fond dans son estomac pour résister long-temps à la soif et à la faim. Une raillerie si amère fit sentir à Roberts tout le malheur de sa situation. Cependant il répondit qu’il espérait mieux de la générosité de ceux qui lui laissaient la vie et la liberté. Russel jura qu’il n’avait plus d’autre faveur à se promettre que le souper qui se préparait.

« Je le conjurai, dit l’auteur, plutôt que de m’abandonner dans cet état aux funestes extrémités qui semblaient me menacer, de me mettre à terre dans l’île voisine ou sur les côtes de Guinée ; enfin de faire de moi tout ce qu’il jugerait à propos dans sa colère ou dans sa bonté, pourvu qu’il me dispensât d’entrer dans son service. Il me répondit qu’il avait dépendu de moi d’être de ses amis ; mais qu’ayant méprisé son amitié, il fallait me tenir au choix que j’avais fait, et qu’il avait encore pour moi plus de bonté que je ne devais en attendre, après l’avoir mis plus mal avec sa compagnie qu’il n’y avait jamais été et qu’il n’y voulait être. »

Roberts, s’étant excusé par l’innocence de ses intentions, le supplia, lui et tous ses confrères, de le regarder comme un objet de pitié plutôt que de vengeance. Russel répondit : « Vos argumens et vos persuasions sont inutiles. Il est trop tard ; vous avez refusé notre pitié lorsqu’elle vous était offerte ; votre sort