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Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 1.djvu/58

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on partit de tel lieu très-connu, pour arriver à tel autre qui ne l’est pas moins, qu’on prit hauteur à tel degré, qu’on jeta la sonde à tant de brasses, qu’on aperçut des poissons volans, qu’on eut tel vent, etc. Cette profusion de circonstances, purement nautiques, accumulées et répétées dans le livre de l’abbé Prévost jusqu’à l’extrême satiété, est bonne à insérer dans un dépôt de connaissances maritimes où l’on voudrait apprendre le pilotage ; mais comme la plupart des lecteurs n’ont ni le besoin ni la curiosité de ces détails de marine, ils ne servent qu’à grossir inutilement des volumes déjà trop remplis d’autres inutilités, et augmentent le dégoût et l’ennui.

2°. Cette compilation manque absolument d’ordre et de méthode. Après la distribution générale de l’Afrique, de l’Asie et de l’Amérique, on n’a eu d’autre soin que d’entasser pêle-mêle tous les voyageurs qui ont parlé des mêmes pays, de manière que le lecteur est ramené vingt fois aux mêmes lieux, sans apprendre rien de nouveau et sans qu’on ait songé, ni à lui épargner les répétitions qui le fatiguent, ni à concilier les contradictions qui l’embarrassent, ni à marquer la succession des dates et des événemens. Il en résulte une confusion générale des faits, des époques et des personnages.

3°. Quoique la prose de l’abbé Prévost ait en général du nombre, de la facilité et du naturel, le style de l’ouvrage manque absolument d’intérêt et de variété ; les plus grandes choses y sont racontées du même ton que les plus communes, et les auteurs ou le traducteur ne s’élevant jamais avec le sujet, et ne conversant point avec le lecteur, semblent s’être défendus de penser et de sentir. On ne trouve parmi tant de narrations, ni une