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Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 12.djvu/211

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à vos offres, qu’en m’arrachant ces deux yeux qui m’excitent à votre perte. » En achevant cette réponse, il s’arracha les yeux, les mit sur une assiette, et les offrit à Ioritomo. Un mélange d’horreur et d’admiration lui ayant fait accorder aussitôt la liberté, il se retira dans la province de Fiunga, où il institua la société d’aveugles qui porte le nom de Feki, et qui s’est extrêmement étendue. Elle est composée d’aveugles de toutes sortes de rangs et de professions. Comme ils sont tous séculiers, leur principale distinction est de se faire raser la tête comme les bussets, ou les aveugles ecclésiastiques. Dans la manière de se vêtir, ils diffèrent peu du commun des Japonais, quoique entre eux les rangs et les dignités soient marqués par certaines différences. Les plus pauvres ne reçoivent point d’aumônes : ils s’entretiennent honnêtement par l’exercice de divers métiers qui s’accordent avec leur infortune. Plusieurs cultivent heureusement la musique : on les emploie dans les cours des princes et des grands de l’empire, aux solennités et aux fêtes publiques, telles que les processions et les mariages. Ils sont dispersés dans tout l’empire ; mais leur général réside à Méaco : on lui donne le nom d’osiokf, et le daïri lui fait une pension annuelle de quatre mille trois cents taëls pour son entretien. Il gouverne sa société à la tête d’un conseil de dix anciens, qui a le pouvoir de vie et de mort, avec cette restriction néanmoins que, pour l’exécution d’un criminel, la