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Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 13.djvu/39

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malédictions de ses gens, à qui le désespoir avait ôté le courage et la raison. Ceux qui étaient restés sur le bord du Belem n’étaient pas moins à plaindre. La faim les porta jusqu’à manger des animaux venimeux : la plupart moururent empoisonnés, et Nicuessa n’en eût pas revu un seul, s’il ne se fût hâté d’emmener le reste. Ensuite il fit partir une caravelle pour aller demander du secours à Espagnola. Les efforts qu’il fit dans l’intervalle pour se lier avec les Américains, et pour en obtenir des vivres, furent toujours inutiles. On entreprit de leur enlever ce qu’ils refusaient ; mais ils firent une si furieuse défense, qu’ils forcèrent toujours les Castillans de se retirer avec perte.

Telle était la situation de Nicuessa lorsqu’il vit arriver Colmenarez avec des propositions qui pouvaient le dédommager de ses pertes, s’il eût été capable d’en profiter ; mais ses malheurs l’avaient aigri jusqu’à troubler un peu sa raison, et ce qui devait le conduire à la fortune ne servit qu’à précipiter sa ruine. Colmenarez, qui lui portait une sincère affection, l’ayant trouvé avec soixante hommes, tous dans le plus déplorable état du monde, nu-pieds, maigres, décharnés, leurs habits en lambeaux, fut quelque temps sans pouvoir s’expliquer autrement que par ses larmes. Il lui apprit ensuite le sujet de son voyage, qui fut écouté avec des transports de joie ; mais quelle fut la surprise de ce généreux ami lorsque après lui avoir fait une vive peinture des richesses qu’on avait