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Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 13.djvu/46

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tion d’éloquence et de sainteté, prit un jour solennel pour monter en chaire à San-Domingo, devant l’amiral et tout ce qu’il y avait de personnes distinguées dans la colonie, et s’éleva contre l’injustice et la barbarie avec laquelle il voyait traiter les Américains. Ce reproche si juste, qui touchait les Castillans du côté le plus sensible, excita beaucoup de murmures. Les officiers royaux pressèrent l’amiral de réprimander un indiscret qu’ils accusaient d’avoir manqué de respect pour le roi. Ils reçurent ordre de se rendre au couvent pour s’expliquer d’abord avec le supérieur ; mais leur surprise fut extrême lorsque ce religieux, qui se nommait le père de Cordoue, leur déclara que le père de Montesino n’avait rien dit à quoi son devoir ne l’eût obligé, et ne dût être approuvé de tous ceux qui respectaient Dieu et le roi. Les officiers, dans le premier mouvement de leur colère, déclarèrent à leur tour que le prédicateur se rétracterait en chaire, ou que les dominicains seraient chassés de l’île. Cependant, après quelques explications plus modérées, on convint que le père de Montesino prêcherait du moins dans un autre style, et qu’il satisferait ceux qui se croyaient offensés. Le concours fut extraordinaire à l’église ; mais, loin de tenir un autre langage, le prédicateur soutint avec fermeté ce qu’il avait dit la première fois, en protestant qu’il s’y croyait également obligé par l’intérêt de l’état et de la religion. Les officiers, plus irrités que jamais,