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Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 14.djvu/347

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Ruydas, et plusieurs autres Espagnols, en furent si réellement gelés, que, s’il en faut croire ici les historiens, cinq mois après, au retour de l’armée, on retrouva leurs corps dans le même état, c’est-à-dire debout, appuyés contre les rochers, et tenant encore dans leurs mains la bride de leurs chevaux, qui étaient gelés comme eux. Leur chair étant aussi fraîche que s’ils fussent morts le même jour, on ne fit pas difficulté, dans le besoin de vivres où l’on était, de manger celle des chevaux. À toutes ces disgrâces se joignit la perte du bagage, qu’il fallut abandonner dans les mêmes montagnes après la mort des Péruviens qui le portaient.

Les provinces du Chili, qui avaient reconnu anciennement les incas reçurent avec joie l’adelantade en faveur de l’inca et du grand-prêtre. Il paraît qu’il s’avança jusqu’au 38e. degré de latitude méridionale, mais sans être tenté d’y former aucun établissement. Peut-être fut-il effrayé par le naturel belliqueux de plusieurs nations qu’il avait reconnues, et surtout par les forces de deux seigneurs, qui dans leurs guerres mutuelles, mettaient en campagne chacun deux cent mille combattans. L’un, nommé Leuchengorma, possédait à deux lieues du continent une île consacrée à ses idoles, dans laquelle il y avait un temple servi par deux mille prêtres. Ses sujets apprirent aux Espagnols que, cinquante lieues au delà de ses terres, on trouvait, entre deux grandes ri-