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Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 14.djvu/357

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Herrada, suivi de dix ou douze de ses complices, marche l’épée à la main vers le palais du vice-roi, en criant : « Meure le tyran ! meure le traître ! » Il entre ; quelques domestiques sont égorgés ; d’autres prennent la fuite. Le secrétaire du marquis saute par la fenêtre, tenant entre les dents son bâton de commandement. Quelques amis du vice-roi sont tués à ses côtés. Il reste seul, n’ayant pas, dans un trouble si imprévu, donné la moindre marque de crainte. Entouré d’assassins, il se défend avec une bravoure incroyable, en tue plusieurs, en blesse un plus grand nombre, et tombe enfin percé à la gorge d’un coup mortel.

Telle fut la fin d’un des plus célèbres conquérans du Nouveau Monde. Nul de ceux que la fortune y distingua n’eut plus de grandeur d’âme, un courage plus extraordinaire, et ne fut plus élevé par la force de son caractère au-dessus de toutes les craintes, de tous les dangers, de toutes les épreuves. C’est à cette constance inébranlable, qui, sous le poids des maux présens, ose encore envisager ceux de l’avenir, que l’Espagne fut redevable de l’empire du Pérou. C’est le séjour de Pizarre dans l’île Gorgone qui livra à l’heureux Charles-Quint tous les trésors du Potose. Pizarre était d’autant plus digne de les conquérir, qu’il savait les prodiguer. La libéralité était en lui aussi extrême que la valeur ; et, pour la faire connaître d’un mot, le maître du Pérou ne laissa rien en mourant. Méprisant l’or et cherchant