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Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 14.djvu/368

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de s’endormir sur ses succès, apportait tous les soins de la prudence à ne rien perdre de ses avantages. Il avait formé des habitations dans les terrains les plus inaccessibles de la montagne : les femmes y cultivaient la terre, et prenaient soin de la volaille et des bestiaux. De bonnes meutes de chiens servaient à la chasse du cochon : ainsi l’abondance régnait dans cet affreux désert. Les mesures du cacique n’étaient pas moins sages pour sa propre sûreté : il avait cinquante braves qui ne l’abandonnaient point en campagne, et qu’il était toujours sûr de trouver pour courir avec eux aux premières nouvelles de l’approche des entremis. Dans les autres temps, quoiqu’il comptât sur la fidélité de toute sa troupe, comme il pouvait arriver que quelqu’un de ses gens tombât entre les mains des Espagnols, et se trouvât forcé par les tourmens de découvrir sa retraite, il avait soin qu’aucun d’eux ne la sût jamais ; de sorte que, s’il leur donnait quelque ordre, jamais ils ne le retrouvaient dans le lieu où ils l’avaient quitté : il postait d’ailleurs des sentinelles à toutes les avenues de ses habitations ; mais il ne se reposait pas tant sur leur vigilance, qu’il ne visitât lui-même exactement tous les postes. Ainsi le cacique était partout, et jamais on ne savait précisément où il était. Ses gens étaient persuadés qu’il ne dormait point ; et réellement il dormait fort peu ; jamais deux fois de suite au même endroit, toujours à l’écart, au milieu