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Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 16.djvu/255

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la liberté, lui dit-il, et je te mangerai, toi et les tiens. Eh bien, réplique le bourreau, nous te préviendrons. Je vais t’assommer, et tu seras mangé, ce jour même. » Le coup suit aussitôt la menace. La femme qui a vécu avec le mort se hâte d’accourir, et se jette sur son corps pour y pleurer un moment. C’est une grimace qui ne l’empêche point de manger sa part du malheureux qu’elle a pris soin d’engraisser. Ensuite d’autres femmes apportent de l’eau chaude, dont elles lavent le corps ; d’autres viennent, le coupent en pièces avec une extrême promptitude, et frottent les enfans de son sang pour les accoutumer de bonne heure à la cruauté. Avant l’arrivée des Européens, les corps étaient découpés avec des pierres tranchantes. Aujourd’hui, les Brasiliens ont des couteaux en grand nombre. Il ne reste qu’à rôtir les pièces du corps et les entrailles, qui sont fort soigneusement nettoyées ; c’est l’emploi des vieilles femmes, comme celui des vieillards en mangeant ce détestable mets est d’exhorter les jeunes gens à devenir bons guerriers pour l’honneur de leur nation et pour se procurer souvent le même festin.

L’usage commun des Brasiliens est de conserver dans leurs villages des monceaux de têtes de morts ; et lorsqu’ils reçoivent la visite de quelque étranger, ils ne manquent point de lui donner ce spectacle comme un trophée de leur valeur et des avantages qu’ils ont remportés sur leurs ennemis. Ils gardent aussi fort