Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 18.djvu/137

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vaient s’attendre à perdre bientôt la liberté de religion. Mais cet avis était inutile : ils avaient déjà répondu au gouverneur avec une fermeté qui leur avait réussi, jusqu’à lui laisser entrevoir qu’il ne pouvait les pousser à bout sans s’attirer la haine des sauvages, qui ne souffriraient point qu’on les forçât au serment de fidélité, ni qu’on les privât de leurs pasteurs. Richard n’osa risquer de se compromettre avec les Américains de son voisinage, ni s’exposer à voir l’Acadie sans habitans.

En effet, Saint-Ovide avait déjà pris des mesures pour leur faciliter une retraite dans l’île Saint-Jean, où d’autres Français avaient formé le dessein de s’établir. Cette île, qui est fort proche de l’Île Royale, est la plus grande de celles du golfe Saint-Laurent, avec cet avantage que toutes les terres y sont fertiles. On lui donne vingt-deux lieues de long et cinquante de circuit : elle jouit d’un port sûr et commode ; et ses bois, qui étaient, encore en grand nombre, étaient de la meilleure espèce. Jusqu’à l’établissement de l’Île Royale, on avait fait peu d’attention à celle de Saint-Jean ; mais alors leur proximité fit juger qu’elles pouvaient être d’une grande utilité l’une à l’autre. Dès l’année 1719, il s’était formé une compagnie qui avait résolu de peupler Saint-Jean : mais les premières tentatives ayant eu peu de succès, l’entreprise fut abandonnée.

La figure de l’Île Royale est fort irrégulière. Elle est tellement coupée par des lacs et des ri-